Feuilles volantes découvertes insérées entre la quatrième et la cinquième partie de Cendres : l’Histoire oubliée de la Bourgogne (Ratcliff, 2001), British Library.
Message n° 135
(Anna Longman)
Objet : Cendres, manus
Date : 15/11/00 07 : 16
De : Ngrant@
Formule d’adresse effacée, texte crypté par un code personnel inconnu.
Anna –
Excusez ce message, je n’ai pas dormi, j’ai passé presque toute la nuit sur le Net à contacter des universités autour du monde.
Vous avez raison. TOUS les manuscrits sont concernés. Le Cartulaire de Sainte-Herlaine est totalement perdu. Il existe un exemplaire du Pseudo-Godfrey dans la galerie des faux du Victoria & Albert Muséum. Le texte Angelotti et la VIE de Del Guiz sont des romances et autres légendes médiévales. Je n’arrive plus à les trouver classées en histoire médiévale au-delà des années 1930 !
D’après ce que je parviens à télécharger, les manuscrits qu’ils ont sur le Net sont des TEXTES identiques à ceux que j’ai traduits. La seule chose qui a changé, c’est leur CLASSIFICATION, de l’histoire à la fiction.
Je ne peux que vous demander de croire que je ne suis pas un charlatan.
— Pierce
Message n° 80
(Pierce Ratcliff)
Objet : Cendres, documentation
Date : 15/11/00 09 : 14
De : Longman@
Formule d’adresse effacée, texte crypté par un code personnel inconnu.
Pierce –
Je vous crois. Ou j’ai confiance en vous, ce qui revient au même.
Ce n’est pas comme si nous n’avions pas vérifié vos références universitaires avant de signer le contrat. Nous l’avons fait. Vous êtes compétent, Pierce. Je sais qu’on peut être compétent et se tromper quand même, mais vous êtes compétent.
Les découvertes du Pr Napier-Grant. Envoyez-moi quelque chose. Faites-moi parvenir des images, n’importe quoi, j’ai besoin de quelque chose que je puisse montrer au DG, sinon tout est foutu !
— Anna
Message n° 136
(Anna Longman)
Objet : Cendres, découvertes archéologiques
Date : 15/11/00 10 : 17
De : Ngrant@
Formule d’adresse effacée, texte crypté par un code personnel inconnu.
Anna –
Isobel n’a pas la moindre intention de laisser des représentations photographiques du site, ou des golems, circuler sur le Net. Elle dit qu’en une demi-heure, elles seraient disponibles dans le monde entier.
Son fils, John Monkham, revient en avion de Tunisie en début de semaine prochaine. J’ai au moins pu convaincre Isobel de l’utiliser comme messager. Il vous apportera des copies des photos que l’expédition a prises du golem ; mais elles resteront en sa possession à tout moment. Isobel accepte que vous les montriez à votre DG, avant que John ne les rapporte sur le site.
C’est le mieux que nous pouvons faire.
— Pierce
Message n° 81
(Pierce Ratcliff/div)
Objet : Cendres, archéologie
Date : 15/11/00 10 : 30
De : Longman@
Formule d’adresse effacée, texte crypté par un code personnel inconnu.
Pierce –
Donnez mon numéro de téléphone à John Monkham, je viendrai à sa rencontre à l’aéroport.
Je ne peux plus attendre de voir par moi-même le golem de Cendres. Mais je suppose qu’il le faudra. Pendant ce temps – avez-vous trouvé QUOI QUE CE SOIT qui pourrait expliquer ce qui se passe ?
— Anna
Message n° 139
(Anna Longman)
Objet : Cendres, textes
Date : 16/11/00 11 : 49
De : Ngrant@
Formule d’adresse effacée, texte crypté par un code personnel inconnu.
Anna –
Franchement, non. Je n’ai AUCUNE idée de la raison pour laquelle ces manuscrits sont désormais classés en fiction. Je me perds en conjectures.
J’ai EU une idée. Je me suis dit : sois philosophe. Le rasoir d’Occam : si l’explication la plus simple de n’importe quel événement est la plus vraisemblable, ne se pourrait-il pas que cette RECLASSIFICATION des manuscrits « Cendres » soit une erreur ? Vous savez comment ça se passe avec les banques de données sur le Net : si une université déclare qu’un document est un faux, cela provoque une réaction en chaîne à travers toutes les universités sur le Net. Et les documents qui s’égarent et se perdent, ça existe.
Cette pensée m’a consolé durant la nuit dernière, quand il m’était impossible de trouver le sommeil. Je m’imaginais déjà réhabilité. Malheureusement, ce matin – au bruit terre à terre des camions qui arrivaient sur le site – je me suis rendu compte que ce n’était qu’une illusion. Une erreur en cascade n’affecterait pas toutes les bases de données. Elle n’affecterait pas les bibliothèques qui ne sont pas connectées, non plus ! Non. Je n’ai aucune idée de ce qui se passe. Quand j’ai eu accès aux manuscrits de la British Library, ils étaient classés en « Histoire médiévale », purement et simplement !
Et je n’ai aucune explication sur le fait qu’apparemment ces documents ont été reclassés dans les années 1930.
Je ne sais pas ce qui se passe, mais je sais au moins que nous courons le risque de voir Cendres s’évaporer dans un fantasme d’histoire ; qu’elle ne s’avère être ni plus (ou ni moins) historique qu’un roi Arthur ou qu’un Lancelot. Mais j’étais – et je suis encore – totalement convaincu que nous avons ici affaire à un véritable être humain, sous les accrétions dues au temps.
Ce qui me laisse également perplexe, c’est que ce que nous avons trouvé sur ce site ne prouve pas seulement ma théorie d’une civilisation wisigothe en Afrique du Nord, mais les plus ÉTRANGES aspects de cette civilisation – la technologie post-romaine, neuf siècles plus tard. Alors que je supposais que mes Wisigoths étaient réels, leur technologie est un aspect que j’avais cru mythique ! Et pourtant, elle est là.
Toujours inexplicable en ce qui concerne son fonctionnement.
Ça suffit à me faire considérer Vaughan Davies avec indulgence. Vous ne savez peut-être pas vraiment combien son introduction à CENDRES : UNE BIOGRAPHIE est curieuse – c’est une chose que l’on tend à ignorer, à cause de la qualité absolue de son travail et de l’excellence de ses traductions.
Il a suggéré, sur le sujet des « accrétions » des divers textes, que les difficultés viennent non pas de ce que Cendres a accumulé les mythes, mais de ce qu’elle les a disséminés.
Permettez-moi de recopier ce que j’ai apporté avec moi :
[…] L’hypothèse que je [Vaughan Davies] me vois contraint d’accepter est que, dans l’histoire supposée de « Cendres », l’historien que je suis se trouve en présence – entre autres choses – du prototype de la légende de la Pucelle, Jehanne de Domrémy, mieux connue dans l’histoire sous son nom populaire de Jeanne d’Arc.
Cette théorie semble défier la raison. Les chroniques de « Cendres » se situent durant ce qui est clairement le troisième quart du XVe siècle. Assurément, on ne peut attribuer aux manuscrits une date antérieure à 1470. Jeanne d’Arc a été brûlée au bûcher en 1431. Accepter en Cendres une préfiguration de Jeanne en tant que femme de guerre archétypale est forcément de la démence, car Jeanne vient d’abord.
J’ai la conviction, toutefois, que ce sont les légendes de Cendres, rédemptrice de son pays, que nous avons transférées sur la carrière météorique de la jeune Française qui fut, il faut s’en souvenir, soldat à dix-sept ans et morte à dix-neuf, après avoir bouté les Anglais hors de France ; et non l’histoire de Jeanne qui devient le cycle de contes de « Cendres ». Le lecteur se demandera : comment cela est-il possible ?
On pourrait proposer une explication simpliste. Si les légendes de Cendres étaient en fait des histoires ne datant pas de la fin, mais du début du Moyen Âge, alors leur reprise dans les années 1480 pourrait être imputée à leur popularité. Avec l’invention de la presse à imprimer, les auteurs ont simplement réécrit ses chroniques en termes de l’époque. On avait coutume, par exemple dans les manuscrits enluminés du temps, de reproduire des scènes de l’histoire biblique ou antique en costumes, objets et décors du XVe siècle.
En ce cas, il faudrait encore expliquer l’absence totale du moindre élément manuscrit sur le cycle « Cendres » avant 1470.
Quelle explication nous reste-t-il ?
J’ai la conviction que les histoires de Cendres ne sont pas de la fiction, qu’elles sont de l’histoire – simplement, il ne s’agit pas de notre histoire.
J’ai la conviction que la Bourgogne a bel et bien « disparu » ; non pas dans le sens apparent qu’elle a perdu l’intérêt du public et qu’elle peut être retrouvée par un historien diligent, mais dans un sens bien plus définitif. Ce que contiennent nos livres d’histoire n’est qu’une ombre, un vestige.
Avec la disparition de la Bourgogne, il fallait qu’une telle histoire de faits et d’événements se rattache à quelque chose dans le subconscient collectif européen : un des éléments qu’ils trouvèrent fut une obscure paysanne française.
J’ai bien conscience que ceci exige une création spontanée des documents historiques sur Jeanne d’Arc.
Acceptez cela, et l’on commence à obtenir une image mentale d’événements réels prenant leur vol, par lambeaux, à partir de la dissolution de la Bourgogne de Cendres. Des lambeaux qui se propagent à contre-courant et dans le sens de l’histoire, transpercés par l’axe chronologique de l’histoire, adoptant la « couleur locale » requise pour survivre. Ainsi donc, Cendres est Jeanne, et elle est Cendrillon/Ashputtel, et une douzaine d’autres légendes. L’histoire de cette Bourgogne première demeure, tout autour de nous.
On peut bien entendu écarter d’emblée ma théorie, mais je considère qu’on peut la prouver pour des raisons rationnelles ; […]
J’ai toujours eu de l’affection pour cette théorie extravagante et excentrique – l’idée que la Bourgogne s’est véritablement effacée de l’Histoire après 1477, si l’on veut, mais qu’on peut en retrouver les événements dans la bouche d’autres personnages ; leurs actions dans celles d’autres hommes et femmes à travers notre histoire. Un portrait de la Bourgogne, si l’on veut, découpé et disséminé comme un puzzle à travers l’Histoire : encore visible pour ceux qui se donnent la peine de chercher.
Bien entendu, ce n’est pas une théorie, en tant que telle. Visiblement, même s’il affirme qu’il en a « la conviction », il s’agit simplement d’un jeu de spéculations dû à un intellectuel distingué, qui pousse le concept de « Bourgogne perdue » énoncé par Charles Mallory Maximillian jusqu’à sa conclusion logique.
Le problème, c’est qu’il s’agit seulement là de *la moitié* de son « Introduction » à CENDRES : UNE BIOGRAPHIE. La théorie demeure incomplète – quelles sont ses « raisons rationnelles » pour ce qu’il appelle une Bourgogne « première » ? Nous n’avons aujourd’hui aucune idée de ce que pouvait être la théorie de Vaughan Davies dans son entier. J’ai consulté une édition reliée bon marché datant de la guerre, à la British Library, et, comme vous le savez, il ne semble exister aucun autre exemplaire en circulation de cette deuxième édition de CENDRES. (Je présume que les stocks ont été détruits lorsque le dépôt de l’éditeur a été bombardé, durant le Blitz, en 1940.) Pour autant que j’aie pu découvrir au cours de six années de recherches diligentes, il n’existe plus nulle part d’exemplaire complet.
Si vous deviez en juger d’après cette théorie partielle, vous pourriez à bon droit traiter Vaughan Davies d’excentrique. Vous pourriez le considérer comme un *farfelu* complet. Toutefois, ne le déconsidérez pas tout de suite. Il n’y avait pas grand monde dans les années trente pour cumuler des doctorats en histoire *et* en physique, et une chaire de professeur à Cambridge. Il était de toute évidence très séduit par la théorie des mondes parallèles en physique avancée, qui débutait tout juste. En un certain sens, je comprends pourquoi ; l’histoire – comme l’univers physique, s’il faut en croire les savants – est tout sauf concrète.
On connaît *si peu de chose* en histoire. Moi-même et d’autres historiens avec moi en faisons un récit. Nous enseignons dans les universités que les gens se mariaient à tel ou tel âge, que tant mouraient en couches, que tant étaient apprentis, que les moulins à eau et les tours à bois ont représenté les débuts de la « révolution industrielle médiévale » – mais si vous demandez à un historien de dire avec précision ce qui est arrivé à une personne donnée, en un jour donne, alors, nous n’en savons rien. Nous *supputons*.
Il y a de la place pour tant de choses, dans les interstices de l’histoire connue.
Je lèverais les mains au ciel et j’abandonnerais ce projet (je ne tiens pas à saccager ma réputation universitaire ou mes chances de me faire publier) si je n’avais pas *touché* son golem.
Je suppose également que je dis tout cela pour vous avertir. À la stricte insistance d’Isobel, je poursuis la traduction finale du cœur de ce livre – le document auquel un anglophone a ajouté (bien plus tard) un intitulé en forme de jeu de mots « Fraxinus me fecit » : Le Frêne/Cendres m’a fait. Étant donné l’illettrisme de Cendres, il semble probable qu’il s’agisse d’un document dicté à un moine ou à un scribe ; avec quelles omissions, additions et modifications, nous n’en savons rien ! Ceci dit, je reste convaincu que ce document est authentique. Il comble l’intervalle entre sa présence au siège de Neuss et sa présence ultérieure auprès des Bourguignons à la fin de 1476, et sa mort à la bataille de Nancy le 5 janvier 1477. Le problème de « l’été manquant », comme nous l’avons toujours appelé.
J’ai atteint le passage qui jette un nouvel éclairage sur les chroniques du Del Guiz et de l’Angelotti, à propos du séjour de Cendres à Dijon. En traduisant maintenant, avec le golem à quelques tentes de distance, à peine – quelques mètres ; de l’autre côté d’une paroi de toile – je commence à me poser une question. Une question grave, même si, quand je l’ai posée précédemment, c’était en plaisantant.
Si les golems messagers sont réels, qu’est-ce qui le sera aussi ?
— Pierce
Message n° 82
(Pierce Ratcliff)
Objet : Cendres, documentation
Date : 17/11/00 00 : 08
De : Longman@
Formule d’adresse effacée, texte crypté par un code personnel inconnu.
Pierce –
Si l’Angelotti et le reste des manuscrits ne sont pas vrais, qu’est-ce qui ne le sera pas, aussi ?
— Anna
Fin du tome 1
Composition Interligne
Achevé d’imprimer sur Roto-Page
par l’imprimerie Floch à Mayenne,
en mai 2004.
Dépôt légal : mai 2004.
Numéro d’imprimeur : 60192.
ISBN 2 207 25381-3
Imprimé en France.
13236
[1] NOTE : cet extrait du Mensuel du forum des collectionneurs vol. 2, n° 7, juillet 2006, est d’origine, collé au frontispice vierge de cet exemplaire.
[2] Pas totalement, comme nous le verrons.
[3] Organisme privé britannique veillant à la protection du patrimoine national. (N. d. T.)
[4] Le mot frêne et le mot cendre se traduisent en anglais par le même mot : ash. (N. d. T.)
[5] Un casque fermé sur le visage.
[6] Les paroles sont celles d’un chant de Noël anglais connu, légèrement modifiées. (N. d. T.)
[7] Pièces d’amure couvrant le menton et le bas du visage, composées d’une articulation ou d’une plaque unique, et souvent doublées de velours ou d’un autre tissu ; par conséquent, chaudes à porter.
[8] Les éléments internes suggèrent donc qu’il ne s’agit pas ici d’un des contrats de la compagnie du Griffon-sur-l’or avec les ducs de Bourgogne. Par conséquent, la bataille ne peut être ni Dinant (du 19 au 25 août 1466), ni Brustem (28 octobre 1467). Je suggère que l’action se déroule en Italie, qu’il s’agit de Molinella (1467), une bataille de la guerre opposant le duc Francisco Sforza de Milan à la Sérénissime, ou Très Sereine, république de Venise menée par le condottiere Bartolomeo Colleoni. On a à tort attribué à Colleoni le premier usage des canons sur le champ de bataille.
Cette bataille est obscure et uniquement connue par un commentaire cynique qu’écrivit plus tard Niccolô Machiavel, sur les « guerres sans sang versé » des soldats professionnels italiens sous contrat : qu’un seul homme avait péri à la bataille de Molinella, et cela, en tombant de cheval. Des sources plus fiables suggèrent qu’un décompte plus exact atteindrait six cents morts.
Le Codex de Winchester a été écrit aux alentours de 1495, quelque vingt-huit ans après cette date, dix-neuf après l’essentiel des textes « Cendres » (qui couvrent les années 1476-1477). Certains détails de la bataille dépeinte ici ressemblent énormément au dernier combat de la guerre des Deux-Roses, la bataille de Stoke (1487). Il se peut que la biographie ait été écrite par un soldat anglais, devenu moine à Winchester, et qu’il ait parlé de ce qu’il avait connu dans les Midlands anglais, à Stoke, plutôt que de Molinella elle-même.
[9] « La déesse Fortune est impératrice de ce monde. »
[10] Un casque ouvert sur le visage ; dans le cas présent, muni d’une visière qu’on peut lever ou abaisser, pour privilégier la visibilité ou la protection.
[11] Il vaut la peine de signaler que la formule du manuscrit Angelotti pour décrire le principal étendard de bataille de la compagnie – D’or, au Lion azur passant de front (un lion bleu, se dirigeant vers la gauche de l’observateur, tête de face, une patte levée) – est inhabituelle. Traditionnellement, en héraldique, le lion passant de front n’est pas considéré comme un lion, mais bien comme un léopard.
Il est clair, je pense, que Cendres a choisi de qualifier le sien de lion pour des raisons religieuses.
L’étendard reproduit dans le manuscrit Angelotti, une bannière effilée en queue d’aronde, longue d’environ deux mètres, porte l’emblème du commandant, et une version du cri de guerre de la compagnie – « Frango régna ! » : « Je fracasse des royaumes ! » – ainsi que les blasons des employeurs de leurs diverses campagnes germaniques, italiennes, anglaises et suisses.
La bannière personnelle de Cendres (rectangulaire), affichant son blason, est décrite comme D’or au rencontre de Lion azur (soit une tête de lion bleue, de face, sur un champ d’or) ; apparemment, une simple gueule de lion, sans cou ni aucune autre partie de l’animal. Le terme plus exact serait D’or au rencontre de léopard azur Il est clair ici que la compagnie porte une livrée dorée, et que ses hommes arborent, comme emblème, le Lion azur passant de front.
Cette combinaison de bleu et d’or est particulièrement caractéristique de l’est de la France et de la Lorraine, et plus généralement de la France, de l’Angleterre, de l’Italie et de la Scandinavie, par contraste avec le noir et or, qui est plus typique des territoires germaniques. Je ne peux trouver aucune référence à « Or, une face de léopard azur », ni à « Or, un léopard azur » associé à un autre personnage connu que Cendres.
[12] Les fanions de lances de la cavalerie.
[13] Une référence du Fraxinus à un cycle médiéval de mythes ou de légendes encore non identifié. Également évoqué dans le texte Del Guiz, mais absent des manuscrits Angelotti et Pseudo-Godfrey.
[14] Un tournoi est un affrontement organisé pour tuer. Une joute est un affrontement organisé pour tuer avec des armes émoussées.
[15] La lance médiévale est une petite unité de combat comprenant quelques Hommes regroupés autour d’un chef. (N. d. T.)
[16] Le surnom de rosbif, donné par les continentaux aux Anglais, vient de roast-beef rôti de bœuf, car, selon la croyance populaire, ils ne mangeaient rien d’autre.
[17] Non identifiée : peut-être la morve.
[18] À l’époque, on ne buvait d’habitude l’eau que mélangée à de faibles quantités d’alcool, afin d’éviter les infections qu’elle pouvait propager.
[19] Nom générique des armes à feu à mèche du XVe siècle, portables par un homme.
[20] Bien qu’il s’agisse d’une traduction bien ultérieure, parue plus de quatre cents ans après les documents « Cendres », j’ai choisi la traduction classique de la Bible par Louis Segond, plus accessible au lecteur actuel – P.R. [à l’occasion aménagée pour préserver le sens du texte original anglais, la traduction anglaise de la Bible présentant parfois des différences avec la version française – N. d. T.].
[21] Ces véhicules improbables présentent une certaine ressemblance avec les « charrois de guerre » mobiles tirés par des chevaux, employés par les Hussites au cours des années 1420, soit une cinquantaine d’années plus tôt. Ces combattants d’Europe de l’Est semblent les avoir utilisés comme des plateformes mobiles pour l’artillerie. Toutefois, les charrois « à flancs de fer » du Del Guiz sont tout bonnement impossibles – même si on les avait construits, ils auraient pesé si lourd qu’aucun attelage de chevaux imaginable n’aurait été capable de les mouvoir.
[22] La ville italienne de Padoue était à l’époque un centre célèbre fréquenté par des étudiants en médecine venus de l’Europe entière.
[23] Épître aux Romains, chapitre XII, verset 14.
[24] Héricourt était un petit château bourguignon à la frontière, assiégé par les Suisses ; leur campagne s’acheva sur une bataille, le 13 novembre 1474.
[25] Le 24 décembre 1474, dix-huit mercenaires italiens capturés, qui avaient combattu pour les Bourguignons contre les Suisses, furent brûlés vifs à Bâle. C’était la veille de Noël.
[26] Heures canoniales : vingt et une heures.
[27] L’édition Gutenberg de la Vie de Del Guiz cite la date du 27 juin 1476 ; le siège de Neuss a pris fin, bien entendu, le 27 juin 1475. Toutefois, la totalité des autres sources contemporaines donnent pour date de la cérémonie de mariage, quatre jours plus tard, le 1er juillet 1476.
[28] Siméon Salus, mort aux alentours de 590, est le saint patron des parias de la société, en particulier des filles de joie. On célèbre sa fête le 1er juillet.
[29] Psaumes de David, chapitre 67, versets 33-34.
[30] La sculpture n’existe plus, mais voir le groupe similaire de Fribourg-en-Brisgau, exécuté aux alentours de l’an 1280.
[31] Traduction littérale du texte allemand original. Il n’existe pas à Cologne de tel ornement d’autel.
[32] En latin, une « hommasse », une femme qui singe les hommes.
[33] Ici, le texte est imprécis. Charles Mallory Maximillian parle de « Wisigoths » : les « nobles Goths ». Bien qu’elle soit exprimée en termes ressortissant de la légende médiévale, je pense que cette référence à des « Wisigoths » comporte des aspects dont nous ferions bien de tenir compte.
[34] Je préfère ce terme, avec ses connotations organiques, au « robot » de Vaughan Davies, ou à l’« homme d’argile » de Charles Mallory Maximillian.
Cette apparition quasi surnaturelle est, bien entendu, une des accrétions mythiques qui se greffent sur des histoires telles que celle de Cendres ; et l’on ne doit pas la prendre au sérieux, sinon pour ce qu’elle révèle de l’obsession psychologique médiévale d’un « Âge d’or » romain perdu.
[35] Des lanciers lourdement armés, dont soit le cavalier et la monture sont couverts d’une armure d’écailles chevauchantes ou de lamelles, soit le cheval est sans protection. Cette forme de cavalerie employée au Moyen-Orient survit tout au long de la période médiévale, notamment à Byzance. (D’après le contexte, je suppose qu’il ne s’agit pas d’une référence aux galères grecques et romaines, également appelées cataphractes.)
[36] Selon l’Histoire conventionnelle, les tribus germaniques wisigothes n’ont pas colonisé l’Afrique du Nord. C’est plutôt l’inverse – avec l’invasion arabe musulmane de l’Espagne wisigothe en 711 après J.-C.
[37] Un terme employé dans le texte pour désigner les Européens du Nord en général.
[38] « Car sous cet axe [L’Axe de la Rota Fortuna, la roue de la Fortune] est écrit : Hécate est reine. » – une intéressante citation de l’auteur du manuscrit Angelotti, dans laquelle « l’exemple terrible » médiéval de la Chute des Rois, la reine Hécube de Troie, a été remplacée par Hécate, la puissante, et souvent maléfique, déesse des Enfers, de la nuit et de la lune. Assez curieusement, « Hécube » en grec se dit « Hékabé ».
[39] Que l’on fête le 15 juillet ; c’est donc une référence interne quant à la date où la compagnie est arrivée devant la cité portuaire de Gênes.
[40] « L’Agneau de Dieu ».
[41] Avant-coureurs, éclaireurs.
[42] Un « harnois » est le terme couramment utilisé pour une armure. Ainsi, l’expression « blanchi sous le harnais » qui signifie « avoir vieilli dans le métier des armes ».
[43] Matthieu, chapitre 10, verset 34 : « Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. »
[44] À l’évidence, voici une nouvelle intrusion du légendaire médiéval dans le texte. Eu égard à l’inclusion précédente du nom de Carthage, je soupçonne qu’il s’agit en fait ici d’un lointain souvenir, préservé dans les manuscrits des monastères, de la puissance maritime des Carthaginois historiques de l’Antiquité, quand elle dominait la Méditerranée, avant d’être anéantie à Mylae par la flotte romaine (263 av. J.-C.)> principalement par l’emploi du grappin d’abordage romain, ou corbeau. L’inclusion d’un tel anachronisme par un chroniqueur médiéval n’aurait rien d’étonnant.
[45] Expression latine. « Par le fait [accompli] », en opposition à de jure, « par le droit que confère la loi ».
[46] Le contexte m’incite à supposer qu’il s’agit en fait ici d’une allusion à la ville de Rome – peut-être au Saint-Siège, le trône de saint Pierre ? La référence textuelle est obscure.
[47] En 1475.
[48] Titre d’un populaire traité contemporain (env. 1450) renfermant des conseils pour l’armure du chevalier lors de batailles ne ressortissant pas de la cavalerie : Comment un homme s’armera commodément quand il combat à pied.
[49] Dix-huit heures.
[50] Voir respectivement Apocalypse, chapitre 6, verset 13 ; Apocalypse, chapitre 6, verset 12 ; Apocalypse, chapitre 9, verset 2 ; Apocalypse, chapitre 8, verset 12 ; Apocalypse, chapitre 6, versets 1 à 8 ; et Évangile selon saint Matthieu, chapitre 24, verset 29.
[51] Évangile selon saint Luc, chapitre 21, verset 25.
[52] Évoqué dans leurs relations de traversée des Alpes par plusieurs voyageurs du XVe siècle.
[53] Pourpoint : un vêtement ressemblant à un gilet, auquel on peut attacher le haut-de-chausses.
[54] Il semble que la Vie de Del Guiz traduise ici de façon erronée un terme sarrasin. Faris, en arabe, signifie « cavalier », c’est-à-dire le chevalier monté professionnel ordinaire, plutôt qu’un commandant d’armée. Toutefois, j’ai décidé de conserver faris, puisque l’alternative préférable citée par le manuscrit Angelotti, le terme musulman al sayyid, « chef » ou « maître », existe déjà dans l’histoire européenne – comme titre de Rodrigue de Vivar : Le Cid.
[55] Le moine Roger Bacon (env. 1214-1292) fut un des premiers savants, et le véritable inventeur européen de la poudre à canon. La croyance populaire le disait sorcier et lui attribuait l’invention d’une tête mécanique parlante, faite de bronze ; détruite ultérieurement.
[56] « Hackbut » est le mot anglais désignant l’arquebuse, une arme à feu portable.
[57] La fourrure du dos et du ventre d’un écureuil d’Europe.
[58] Amir ou émir : « seigneur » en arabe. Je ne peux trouver aucune preuve linguistique d’un rapport, soit avec le perse magi (mage : un saint homme ou magicien) dans le texte Angelotti, soit avec « savant » – sans doute une addition très postérieure au texte, d’une autre main.
[59] De la cohérence interne du manuscrit, je calcule que ceci se déroule le 9 août, la fête du roi Oswald de Northumbrie. Né vers 605, mort en 642 à Maserfelth. Saint Oswald pria pour les âmes de ceux qui étaient tombés au combat contre lui. Son culte de saint soldat se popularisa par la suite jusqu’au sud de l’Allemagne et en Italie.
[60] Lieu du couronnement des empereurs du Saint Empire romain germanique depuis Othon le Grand.
[61] Ces dispositions ressemblent à celles des Ordonnances de Chevalerie du manuscrit d’Hastings, remontant au XVe siècle. « Façons et Modes de Couronnement des Roys et Reynes d’Angleterre. »
[62] La table basse était la moitié de la table du seigneur où siégeaient les personnes de moindre prestige, par opposition au haut-bout. La ligne de démarcation se situait traditionnellement à la moitié de la table, à remplacement de la salière. (N. d. T.)
[63] Mehmed II régna sur l’Empire ottoman entre 1451 et 1481.
[64] Littéralement « jardin clos ». Un jardin intérieur, souvent monacal, potager ou ornemental, dont le plan en forme de croix doit suggérer le lien qui unit Ciel et terre. (N. d. T.)
[65] Le roi de France Louis XI, connu de ses contemporains sous le sobriquet de « l’universelle Aragne » (= araignée), à cause de son amour de l’intrigue.
[66] Le texte original emploie le mot latin fabrication désignant une invention créée par la main de l’homme, mais pas nécessairement une machine au sens où nous l’entendrions.
[67] Le texte latin de l’Angelotti parle, dans son allusion brève et jusqu’ici obscure à cet épisode, d’une machina rei militarisa une « machine tacticienne », et de fabricari res militarisa « [quelque chose] créé pour [fabriquer] des tactiques ». Le « Fraxinus me fecit » traduit cela par computare ars imperatoria, ou, dans un étrange amalgame de latin et de grec, de computare strategoi, un « ordonnateur de « l’art de l’empire » » ou « de stratégie ». On peut exprimer le terme en langage moderne par « ordinateur tactique ».
[68] Jeanne d’Arc (1412-1431).
[69] De re militari, par le Romain Vegetius, devint le manuel d’entraînement de base pour la fin de la période médiévale et les débuts de la Renaissance.
[70] En français dans le texte.
[71] « Nazir » : un officier à la tête de huit hommes, l’équivalent dans l’armée moderne d’un chef d’escadron (caporal). Probablement un subordonné du harify en charge de quarante hommes (chef de peloton) dont le texte a fait précédemment mention.
[72] « Franque » est un terme arabe de l’époque, pour désigner les Européens du Nord, et en aucun cas un mot gothique.
[73] Hoc fiitui quant lude militorum. Je cite la traduction vernaculaire que donne Vaughan Davies du bas latin médiéval du texte.
[74] Bartolomeo Colleoni (1403 [ ?] – l475) était mort l’année précédente. Ce fameux condottiere, employé principalement par les Vénitiens à partir de 1455, vécut jusqu’à l’âge de soixante-douze ans, exerçant toujours son activité de capitaine général des forces vénitiennes, dissuadé par la République sérénissime de quitter son château de Malpaga pour voyager au nord des Alpes, de crainte qu’en son absence les Milanais n’attaquent immédiatement Venise ! Ceux qui tenaient (voit note suivante).
[75] Sir John Hawkwood, célèbre mercenaire anglais, chef de la Compagnie blanche (1363-1375), connut un service long et profitable en Italie et mourut à un âge avancé (en 1394).
[76] Mot italien signifiant « contrat » d’où les condottiere tirent leur nom.
[77] Texte original : « un bliaut ».
[78] Dans le texte d’origine : « triarii (vétéran) d’une légion », mais une version modernisée permet une référence plus immédiate.
[79] On a visiblement incorporé Onorata Rodiani, personnage historique, à ce texte par conviction que ces deux femmes auraient dû se rencontrer. En réalité, on rapporte que Rodiani est morte, au terme d’une longue carrière de mercenaire, en défendant sa ville natale, Castelleone, en 1472.
[80] Prêtre. La plupart des érudits (clercs) étaient également prêtres, à cette époque.
[81] Je me trouve en accord avec les hypothèses de Vaughan Davies dans la deuxième édition des textes « Cendres » (publiée en 1939), et je ne peux mieux faire que de le citer :
« Les étrangetés de la religion apparemment pratiquée parmi les soldats de Cendres au XVe siècle ne ressemblent en rien aux pratiques chrétiennes de l’époque. Un temps plus vigoureux – en fait, un temps ayant un besoin moins immédiat de protection divine que le nôtre – peut s’autoriser des satires religieuses que nous considérerions, peut-être, comme blasphématoires. Ces représentations irrévérencieuses (qui n’interviennent que dans le manuscrit Angelotti) représentent une satire rabelaisienne avant la lettre. On ne doit pas davantage y lire la relation d’un fait réel que dans les descriptions de la race juive en train d’empoisonner des puits et d’enlever des enfants. Tout cet épisode est une satire dirigée contre une papauté qui, dans les années 1470, n’était pas au-dessus de tout reproche et témoigne des sentiments dont l’explosion, au siècle suivant, allait conduire à la Réforme. »
[82] Ni les femmes, ni les soldats qui n’étaient pas officiers n’avaient permission d’assister aux mystères mithraïques.
[83] En 1450.
[84] Motif héraldique : une barre horizontale.
[85] Couleur du fruit du mûrier, un rouge violacé.
[86] Sept ans après les événements relatés dans les textes « Cendres », Richard de Gloucester sera couronné roi d’Angleterre, sous le nom de Richard III (1483-1485).
[87] Le duc Charles de Bourgogne, comme ses ancêtres – Philippe le Hardi, Jean sans Peur et Philippe le Bon – était connu de son peuple par un surnom.
[88] « Dickon » est un diminutif affectueux de « Richard ».
[89] Pour être précis, les événements se sont déroulés exactement comme on les décrit ici, mais quelque huit années plus tard, en 1484. Durant la période couverte par ces textes, le comte d’Oxford est resté prisonnier au fort de Hames. Je soupçonne un chroniqueur d’avoir ajouté Oxford au texte, sans doute pas plus tard qu’en 1486.
[90] Certaines sources indiquent le chiffre de quatre cents.
[91] L’anecdote est authentique. Le souverain anglais, Édouard, accorda son pardon aux hommes, mais pas à Oxford ni à ses frères, rien que la vie sauve. Oxford fut incarcéré à Hames peu de temps après.
[92] En 1485, en remportant la bataille de Bosworth pour « cette femmelette galloise » d’Henry Tudor, Oxford installa Henry VII d’Angleterre sur le trône (1485 – 1509). Savoir s’il s’agissait d’un « homme meilleur » a suscité maints débats.
[93] Richard Neville, comte de Warwick, et Marguerite d’Anjou, épouse d’Henry VI d’Angleterre ; en 1471, ces nobles ennemis invétérés, ayant passé quinze années dans des camps opposés des guerres royales, furent réconciliés en une alliance par John de Vere.
[94] Jardin.